L’Algérie hante la France, tel un spectre chiffonné, sûrement autant que les Français obsèdent les Algériens. Et pourtant, étrangement, cette 60e commémoration de la fin de la guerre sonne creux, comme si de part et d’autre la fatigue avait pris le pas sur les passions des premières années de libération.
La fatigue, bien sûr, est politique. Les peuples, la société civile, les artistes, les intellectuels, les jeunes, ont toujours autant de choses à se dire sur ce qui nous lie historiquement, humainement et dans nos imaginaires, toujours autant de choses à faire ensemble.
Les essais historiques et sociologiques, les livres de transmission de la mémoire, les romans, les documentaires, les pièces de théâtre sont bien là, vivantes, denses, surprenantes de complexité et étrangement apaisées. Preuve que la guerre des mémoires existe avant tout dans la tête des polémistes en mal de frissons et de guerre civile. « Dans la société, le rapport au passé est apaisé, y compris dans les familles qui ont traversé une histoire douloureuse » explique le politiste Paul Max Morin, auteur de « Les jeunes et la guerre d'Algérie. Une nouvelle génération face à son histoire » dans l’émission de Mediapart. « Les tensions », « les rancoeurs », « les revanches », autant de termes fantasmatiques pour alimenter des débats politiques rances qui parlent bien plus de notre présent fragmenté que de notre passé.
Malgré le travail déjà fait, y compris à l’école, il y a pourtant tant de vérités enfouies, tant de paroles non entendues qui font défaut et empêchent de construire un récit collectif, libéré des catégorisations mortifères. Et surtout tant de rendez-vous à ne plus manquer.
Pour participer à cette libération de la mémoire et de nos imaginaires, le Club vous propose un travail collectif pour honorer avec courage et joie cette 60e année de paix (l’âge d’un chibani, d’un vieux !) entre la France et l’Algérie.
- Que vous soyez anciens appelés, ou enfants de, ou petits-enfants, Algérien·nes, enfants ou petits enfants d’Algériens, de Harkis, de pieds-noirs, de juifs d’Algérie (comme notre collègue Fabrice Arfi !), de pieds rouges, de pieds verts… Racontez-nous vos histoires, par écrit, par audio, par vidéo... Celles que vous racontez à vos proches, ou que vous avez entendu d’elles et d’eux.
- Vous en avez assez de ces commémorations figées, le doigt sur la couture, avec des chants d’un autre temps, dites-nous comment d’après vous nous pourrions sortir de l’ornière et célébrer autrement cette date pour (re)donner toute sa vivacité aux relations entre les peuples français et algériens ?
Si nous ne rêvons pas un peu, qui le fera à notre place ?
Sabrina Kassa, co-responsable du Club Mediapart
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Une autre commémoration est possible, contre les prêcheurs de haine, passons gaiement à table !