C’était le mandat de trop. Après l’annonce d’un cinquième mandat présidentiel pour Abdelaziz Bouteflika, les Algériens sont descendus dans la rue et sont décidés à y rester. Tous demandent la fin d’un régime en place depuis 60 ans. Nos analyses, enquêtes et reportages.
En Algérie, des foules ont déferlé, vendredi 13 décembre, pour contester la légitimité d’Abdelmadjid Tebboune, élu président la veille au forceps, sur fond d’abstention record. Elles réclament le départ de cet ex-premier ministre et de « tout le système ». « Hirak », saison 2.
Depuis trois jours, la police harcèle les manifestants à Oran pour empêcher toute tentative de mobilisation avant et pendant l’élection présidentielle du 12 décembre. Ce jeudi, les opposants ont été réprimés, tandis que la participation dans les bureaux de vote était faible.
À la veille de la présidentielle, jeudi 12 décembre, la mobilisation se poursuit à Oran ou Alger. Mais dans des petites villes comme Mascara ou des villages comme Boutlelis, le « hirak » ne mobilise plus. Entre infiltration du mouvement, injonction au vote et scepticisme, les habitants n’ont pas l’intention de boycotter le scrutin.
« Si un président sort vainqueur des urnes, il sera doublement discrédité : par sa candidature à des élections dont personne ne voulait et parce qu’il sera à nouveau le pantin de l’armée », prévient l’historienne Karima Dirèche. Elle croise son analyse avec celle du sociologue oranais Mohamed Mebtoul.
À l’occasion de la sortie en France de son dernier roman, l’écrivain et journaliste algérien Mustapha Benfodil revient sur le Hirak, « cette extraordinaire accélération de l’histoire » et « l’endurance dans le non » acquise par le peuple algérien.
« Le régime algérien essaie de faire passer une alternance clanique pour une rupture systémique », dénonce le spécialiste de droit public Mouloud Boumghar, dans un entretien croisé avec le politiste Luis Martinez, à quelques jours d’une présidentielle imposée, massivement rejetée.
Et si on passait à la désobéissance civile ? Alors que la mobilisation faiblit lors des grandes marches hebdomadaires sous l’effet de la fatigue, de la lassitude, de la torpeur estivale et de la situation bloquée, les inconditionnels du hirak ne se laissent pas entamer le moral. Reportage à Alger à l’occasion du 24e vendredi de manifestation contre le régime.
Depuis deux mois, le journal algérien TSA, indépendant et en ligne, est inaccessible sur tout le territoire, bloqué et censuré par les autorités. Dans un entretien à Mediapart, Lounès Guémache, son cofondateur, dénonce une répression qui n’épargne personne, ni la presse ni les citoyens, à l’instar de ce manifestant qui risque dix ans de prison ferme pour avoir défilé avec le drapeau amazigh.
Après quatre mois d’un immense soulèvement populaire, l’inquiétude est perceptible chez beaucoup d’acteurs de cette révolution pacifiste. Un retour en arrière semble impossible, mais les divisions des oppositions empêchent de formuler un vrai projet démocratique et laissent l’armée maître de l’agenda.
Fruit d’un compromis de plus de 70 organisations, la société civile algérienne a proposé une feuille de route pour une vraie transition. Mais le pouvoir tente de sauver sa peau en poursuivant une purge sans précédent frappant un à un les piliers du régime Bouteflika.
Le pouvoir algérien a dû se résoudre à annuler l’impossible présidentielle du 4 juillet, mais il maintient le pays dans l’impasse en refusant de se plier au vœu de démocratie du peuple. Ce dernier renchérit dans la contestation, après la mort du militant mozabite Kamel Eddine Fekhar.
Confrontés à l’insalubrité des logements, au décrochage scolaire, au chômage ou à la drogue, les habitants des quartiers les plus défavorisés d’Oran, en Algérie, luttent chaque jour contre les inégalités sociales. Tous observent le soulèvement populaire de près ou de loin, partagés entre optimisme, résilience et réalisme.
À défaut de toute ouverture politique, le chef d’état-major de l’armée a annoncé mardi une vaste opération anticorruption. « Nous avons des dossiers très lourds », prévient le général Gaïd Salah. L’opération est vécue par l'opposition et des millions de manifestants comme une diversion par rapport aux demandes de révolution démocratique.
Alors que les Algériens s’apprêtent à défiler pour le 12e vendredi d’affilée, le journaliste et écrivain Akram Belkaïd revient sur le processus révolutionnaire et les concessions du pouvoir. Même si elles vont de plus en plus loin, elles n’équivalent pas à une véritable transition démocratique.
Comme souvent dans les mouvements de contestation populaire, les supporters ultras font profiter les manifestants algériens de leur savoir-faire organisationnel et de leur culture de résistance populaire. Entretien avec des responsables du collectif Ouled el-Bahdja, supporters de l’Union sportive de la médina d’Alger (USMA), dont le chant de tribune, La Casa del Mouradia, est devenu l’hymne de la rue.
Reportage à Sakiet Sidi Youssef, petite ville tunisienne limitrophe de l’Algérie où les liens sont extrêmement forts entre les deux pays. Les Tunisiens, qui dépendent largement des échanges avec leur puissant voisin, regardent avec attention la révolution qui a fait démissionner Bouteflika.